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Mon Maroc à moi… et la France vue d'ici (c'est-à-dire de loin)
24 novembre 2013

Accord historique sur le nucléaire iranien - Enfin !

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Mohammad Javad Zarif, le ministre des affaires étrangères iranien (à gauche) et son homologue français, Laurent Fabius, le 24 novembre à Genève.

 

A l'issue de cinq jours d'âpres négociations internationales à Genève, un accord sur le nucellaire iranien a finalement été conclu, dans la nuit du samedi 23 au dimanche 24 novembre, entre Téhéran et les pays négociateurs. Cet accord n'est que préliminaire et a pour objectif de permettre de rétablir pas à pas la confiance entre Téhéran et les grandes puissances après des décennies de tensions.

Les pessimistes et les oiseaux de mauvais augure de tout poil ont perdu. La communauté internationale, comme on dit, a enfin réintégré l'Iran - la Perse éternelle - dans la famille des grandes nations.

Curieusement, la presse française en général (ne parlons même pas de la presse marocaine qui n'en a pas encore soufflé mot, et pour cause, j'y revendrai), si elle salue l'accord, ne souligne presque pas la volte-face bienvenue de la France, encore moins la vraie question de fond. On se souvient en effet que la France, représentée par la voix de son ministre des Affaires Etrangères, Laurent Fabius, avait bloqué l'accord sous prétexte que l'Iran avait refusé d'arrêter son projet de réacteur à eau lourde d'Arak. Les faits démontrent donc que la France qui n'est plus que l'ombre d'elle-même sur la scène internationale, s'est ressaisie.

Sans doute pour quatre bonnes raisons dont personne, ou presque, ne parle.

La première, c'est que la France, embourbée dans le Sahel avait bien besoin de redorer son blason, après son activisme émotionnel en faveur d'une intervention contre la Syrie. Le sursaut français s'est déroulé en deux temps :

- Visite de Hollande en Israël et dans les Territoires Occupés, où il a eu des paroles justes et fortes.

- Signature de l'accord de Genève en emboîtant le pas aux Américains qui avaient eux-aussi bien besoin de remaquiller leur image auprès des populations arabes et musulmanes, après les fiascos irakiens et afghans.

La seconde raison, la plus importante, c'est que si les enjeux géopolitiques mondiaux ont changés de nature, les humains eux n'ont pas changés et que - les diplomates semblaient l'avouer oublié - par définition, c'est avec son ennemi qu'on signe la paix. Et même plus, comme le dit John Kerry le Secrétaire d'état américain : "peace and business".

Troisième raison. Souvenons-nous que les Américains toujours bons copains, avaient interdit il y a quelques semaines, à Peugeot de continuer à vendre des bagnoles démontées (puis remontées en Iran) sous prétexte de respecter les sanctions "internationales" (américaines en fait) imposées à l'Iran. Après cet accord, les sanctions seront levées d'ici six mois et les Américains seront, sans nul doute, les premiers à vendre aux Iraniens tout ce qui leur manque depuis des années. Peugeot va pouvoir reprendre les affaires. C'était la rubrique : quand les grands principes favorisent les affaires !

Dernière raison enfin : la France bien solitaire dans sa guerre du Sahel face à AQMI a un besoin urgent du soutien logistique et technologique des USA. Nul n'ignore - sauf à refuser de voir et entendre - que cette guerre martiale entamée par Hollande est partie pour durer un bon bout de temps et que la France seule n'en a pas les moyens. Sur cette question, la France en première ligne et les USA d'Obama en technologie arrière, tout le monde est d'accord. Même la Russie qui ne moufte d'ailleurs pas sur le sujet.

Il faut donc se réjouir de voir enfin la France sortir de son archaïsme politique et la Perse éternelle renaître au monde… Pourtant, dans ce concert de congratulations, Israël, évidemment se sent trahi par l'ami américain. "L'accord permet à l'Iran de continuer à enrichir l'uranium, laisse en place les centrifugeuses et lui permet de produire des matières fissiles pour une arme nucléaire", a déploré le bureau du premier ministre israélien. Et pour que tout le monde comprenne bien, M. Bennett, dirigeant du Foyer juif, un parti d'extrême droite proche du lobby des colons, précise : "Israël n'est pas engagé par l'accord de Genève. L'Iran menace Israël et Israël a le droit de se défendre", brandissant ainsi de nouveau la menace d'une attaque militaire israélienne contre les installations nucléaires iraniennes.

Il ne fallait pas s'attendre à autre chose de la part d'Israël, seul pays du Moyen-Orient à posséder l'arme nucléaire qui compte bien le rester… et toujours sans signer le pacte de non-prolifération.

Autre curiosité géopolitique non relayée par la presse, le silence assourdissant des pays arabes, Maroc compris, et de la Turquie d'Erdogan. La puissance (presque) retrouvée de la Perse, éternel ami/ennemi des Arabes et des Turcs, tétanise complètement les monarchies du Golfe et la Turquie qui voit sa position de leader régional remise en question. L'Arabie Saoudite en premier, qui voit d'un très mauvais œil le changement de pied de la diplomatie américaine de plus en plus tournée vers l'ennemi chiite…

Le Maroc, fidèle à sa diplomatie du silence et de l'atonie, n'a pas encore relevé, ni officiellement, ni officieusement par le biais de la presse aux ordres, l'accord de Genève. Tétanisé lui aussi par les conséquences inévitables que la puissance retrouvée de l'Iran chiite et donc de ses affidés salafistes va avoir sur la politique intérieure du Royaume. La position du PJD, jusqu'ici aligné sur le "modèle" turc jusqu'à la nausée (cf le "baiser de Nador") est elle aussi déstabilisée du fait de la perte d'influence de la Turquie embourbée dans le voisinage syrien, face à l'Iran qui relève la tête.

Il ne faut pas être très grand clerc pour se rendre compte que cet accord, si imparfait soit-il, va avoir un retentissement considérable dans la vie de millions de gens.

Et pour conclure, dernière question que PERSONNE n'aborde frontalement. Pourquoi est-ce que les pays, Israël en tête, possédant l'arme nucléaire interdiraient à d'autres ce "privilège" ? De quel droit ? De celui du plus fort ! De quelle morale ? De celle qui prétend que l'Iran, contrairement à Israël (!?), n'est pas un état démocratique ! Parce que le Pakistan est un modèle de démocratie peut-être !

Loin de moi, l'idée de défendre la pseudo-dissuasion de l'arme nucléaire, mais ce qui est sûr, c'est que tant qu'il y aura deux poids deux mesures dans ce "Moyen-Orient compliqué" il n'y aura aucune paix possible.

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